(FR) Robotine - Novoprokopivka - Verbove
Une analyse courte concernant la situation tactique autour ces villages basée sour OSINT.
Introduction
Les forces ukrainiennes avait libéré Robotine le 24 août. Le 25 août, des rapports indiquent que les Ukrainiens ont déjà pénétré dans la limite nord de la colonie suivante (Novoprokopivka) et, le 30 août, ils attaquent en direction de Verbove. Cela représente une avancée très significative, car les Ukrainiens, si c'est vrai, sont passés d'une avancée quotidienne mesurée en mètres à 2 km en une demi-journée, dans une portion de terrain étroite mais importante. Dans cet article, j'examinerai cette question et tenterai d'analyser la situation de combat sur la base des informations disponibles.
Les deux premiers mois de l'offensive ukrainienne
Les Russes s'appuient sur la "ligne de Surovikin" pour maintenir leurs territoires occupés dans une position défensive. Contrairement aux attentes du printemps et à leur performance en septembre 2022, les forces russes ne courent généralement pas. Je m'attendais à ce que les Russes se battent selon leurs propres règles. En d'autres termes, ils laisseront les forces ukrainiennes pénétrer dans la zone de couverture et de sécurité devant la ligne de périmètre bien établie, où elles seront ralenties, subiront des pertes et seront détruites par des tirs d'artillerie, ainsi que par les tirs des forces défendant le périmètre.
Au lieu de cela, les Russes défendent déjà obstinément la première ligne de leurs propres troupes (First Line of Own Troops - FLOT) à l'avant de la ceinture de couverture et de sécurité, d'où ils commencent généralement à battre en retraite trop tard. Il peut y avoir plusieurs raisons à cela, mais je peux toutes les attribuer au fait que les soldats et les commandants russes ne sont pas suffisamment formés pour effectuer les manœuvres complexes et dangereuses comme le désengagement, la capture de positions et la contre-attaque sous le feu de l'ennemi au niveau des sous-unités.
D'autre part, les Ukrainiens ont été contraints de changer leurs méthodes de combat en raison des pertes subies au début de l'offensive. N'étant manifestement pas en mesure de protéger les troupes d'infanterie mécanisée attaquant contre l'artillerie et l'aviation russes, ils ont décidé de déployer de petites formations d'infanterie (au maximum des compagnies, mais plus probablement des sections). Ils ont essayé d'exploité le fait qu'un peloton d'infanterie est "trop petit" pour être attaqué par une frappe d'artillerie significante, et qu'il est donc protégé. Si l'artillerie russe leur tirait dessus, il suffirait qu'une seule batterie d'artillerie tire pour perturber sérieusement une attaque d'infanterie dans le champ ouvert. Cependant, dans ce cas, les Ukrainiens peuvent lancer une contre-attaque efficace grâce à leur artillerie plus précise, érodant ainsi efficacement la supériorité de l'artillerie russe. De plus, ce mode de combat permet à la qualité de l'entraînement et au moral des soldats ukrainiens de prendre le dessus sur les soldats conscrits russes dans les combats de petites unités dans les zones de terrasses bordées d'arbres, de tranchées et de petits groupes de bâtiments.
Cela permet, bien sûr, une progression lente et coûteuse. Au cours de ces deux mois, les attaques ukrainiennes contre l'arrière-pays russe se sont visiblement intensifiées. De nombreuses frappes ont également touché des points d'étranglement logistiques, des dépôts de munitions d'artillerie et les unités d'artillerie elles-mêmes. Toutes visent à priver de soutien logistique les Russes, étonnamment obstinés dans leur défense, à briser leur supériorité en matière d'artillerie et à détruire les réserves qui pourraient être déployées. Son succès ne peut évidemment pas être jugé à partir de sources ouvertes, mais seulement lorsqu'elle atteindra un "point de basculement" où les défenseurs russes ne disposeront plus d'un soutien d'artillerie suffisant et de réserves pouvant être déployées rapidement. D'après les sources ouvertes, ce point ne sera atteint que lorsque le rythme de l'offensive ukrainienne s'accélérera de manière significative.
Robotine et Novoprokopivka
Les événements mentionnés au début de cet article permettent même de conclure que les Ukrainiens se sont rapprochés de la situation décrite dans le paragraphe précédent. Cependant, d'après les cartes disponibles, des forces russes considérables se trouvent toujours devant les Ukrainiens. L'accélération soudaine et brève du rythme ukrainien peut être due au fait qu'après la prise de Robotine, les Russes ne voulaient pas se battre sur le terrain défavorable devant Novoprokopivka, à moins de 2 km au sud, et ont donc retiré leurs forces vers la colonie. Une autre raison peut être que les frappes de précision à longue portée ukrainiennes ont réussi à détruire l'artillerie et les réserves russes, de sorte que l'avancée ukrainienne des 23 et 24 août était soudain impossible à arrêter, sauf par les forces de deuxième échelon déjà déployées à la lisière nord de Novoprokopivka.
La défense russe
La deuxième ligne de fortifications de la "ligne Surovikin" dans cette région attend les Ukrainiens après Novoprokopivka, mais il ne fait aucun doute que les Russes ont fortifié ce village ainsi que Robotine. Selon les informations disponibles, le 70e régiment de fusiliers mécanisés, avec une valeur de combat allant jusqu'à 60%, est en position dans le village (bien que je l’aie répertorié comme motorisé en raison des lourdes pertes subies par ses véhicules blindés), tandis que le 108e régiment de la 7e division VDV est arrivé vers les 25/26 août. Bien qu'il soit pratiquement impossible de déterminer leur capacité de combat, ces forces ont pris leur part des combats au cours des dernières semaines, et il n'est donc pas exagéré de dire qu'elles ont une capacité de combat globale de 60 % au maximum.
Si les Russes poursuivent leurs combats défensifs, ils ont probablement construit leurs dispositifs de défense aux endroits indiqués sur la carte, en s'appuyant sur la périphérie des agglomérations et sur les hauteurs. Le cours d'action le plus probable pour les défenseurs était d'utiliser le couvert de la crête sur le côté est de Novoprokopivka, ou les maisons périphériques du village, pour détruire les Ukrainiens approchant par le nord avec des tirs efficaces, puis d'utiliser la zone bâtie pour les arrêter, causant ainsi de lourdes pertes.
Novoprokopivka se trouvant au point le plus étroit d'une crête, les Russes ne peuvent vraisemblablement lancer une contre-attaque qu'à partir du sud-est, car c'est là que le terrain est le plus propice à l'avancée et au déploiement des forces mécanisées, le sud-ouest étant très exposé aux tirs provenant de la crête ouest-est, désormais aux mains des Ukrainiens.
Le cours d'action le plus probable de l'attaque ukrainienne
Les Ukrainiens tentent de profiter de leur momentum et du fait qu'ils auraient déjà pris pied à la limite nord de Novoprokopivka et qu'ils poursuivent leur offensive nord-sud. C'est la direction d'attaque la plus évidente, et les Russes le savent. C'est probablement la raison pour laquelle ils ont décidé d'envelopper le village par l'est, qui est bien défendu (zone bâtie sur un terrain élevé avec un accès limité). Cependant, cela présente le risque d'avancer vers l'est sur un terrain plat entouré de crêtes. Bien qu'il ait été rapporté le 30 août que les Ukrainiens se battaient également dans les environs de Verbove, je pense que même s'ils ont l'intention de prendre le village, ils ne le font que pour sécuriser le flanc gauche (est) de l'attaque principale vers le sud.
Pour réussir une opération d'enveloppement, les Russes qui se défendent à Novoprokopivka doivent être interceptés par le nord, à partir de Robotine. De plus, la principale manœuvre d'enveloppement doit être sécurisée. Pour ce faire, il faut d'abord supprimer au minimum toute la force russe le long de la crête (en particulier les équipements antichars) et supprimer au minimum l'artillerie russe capable d'atteindre la section de terrain de la manœuvre d'enveloppement. Il est préférable d'effectuer la manœuvre d'enveloppement avec une force d'au moins un bataillon, mais sur le champ de bataille moderne saturé de senseurs, il est préférable de l'effectuer de manière fragmentée et à grande vitesse, plutôt que d'utiliser le bataillon en un seul bloc.
Ainsi, pour un enveloppement réussi, la suppression doit être effectuée par une force de la taille d'un bataillon au moins (probablement une sous-unité de la 65e ou de la 116e brigade d'infanterie mécanisée est affectée à cette tâche). La protection directe de tout cela (screen/cover) nécessite au moins une autre compagnie. Contrairement au nom de la tâche, cette compagnie ne doit pas "monter la garde", mais plutôt utiliser de petites unités mobiles et des observateurs d'artillerie à couvert pour supprimer toute tentative russe de menacer le flanc gauche (sud) de l'opération principale. De plus, l'enveloppement étant l'opération décisive, il est également conseillé de constituer une réserve. Dans cette guerre, les Ukrainiens utilisent les réserves non pas pour répéter une attaque bloquée et gaspiller leurs forces de la même manière que les Russes, mais pour repousser d'éventuelles contre-attaques russes. Et comme Novoprokopivka et Verbove sont déjà des éléments importants de la deuxième ligne de la "ligne Surovikin", il est probable que les Russes feront tout pour arrêter l'offensive ukrainienne.
Le schéma de la situation tactique au sud de Robotine le 30.08.2023 (travail de l'auteur) Note : selon d'autres sources, le 56e régiment de la 7e division VDV défend Novoprokopivka, tandis que le 108e régiment défend le flanc droit et que le 503e régiment de fusiliers mécanisés défend le deuxième échelon au sud du village.
Tout ceci, basé sur des sources ouvertes disponibles ici et ici, signifie que la totalité de la force déployable des 65ème, 116ème et 47ème Brigades d'infanterie mécanisés montrées sur le schéma de la carte sera nécessaire au minimum.
Pour y parvenir du point de vue de l'artillerie, une force considérable est également nécessaire. Bien que la composition des brigades ukrainiennes déployées dans la région ne soit pas connue pour des raisons évidentes, on peut supposer que chaque brigade dispose d’un seul bataillon d'artillerie (même si elle n'est pas entièrement équipée). Si nous supposons que trois brigades ukrainiennes sont impliquées dans l'opération qui fait l'objet de cet article, alors trois bataillons d'artillerie sont disponibles pour l'appui-feu direct des manœuvres, généralement avec d'équipement d'artillerie automotrice.
Selon les anciennes règles, il fallait une frappe de feu pour détruire la disposition de bataille d'une section (300x400m). Cela peut désormais être fait avec moins de force grâce aux systèmes d’artillerie plus précise. De plus, il n'est pas nécessaire de "gaspiller" les bataillons d'artillerie des brigades pour détruire les positions russes sur le périmètre, ce pour quoi les sections de mortiers des bataillons et des compagnies sont parfaitement capables de le faire. Sur cette base, pour supprimer/détruire les forces russes sur la crête à l'est de Novoprokopivka, ou pour supprimer les Russes se défendant à Novoprokopivka, l'artillerie organisationnelle des trois brigades est suffisante, donc de ce point de vue, c'est faisable. Cependant, si les Russes devaient mobiliser des réserves plus grandes dans la profondeur, elles devraient être détruites par l'artillerie du commandant suprême (HIMARS), comme cela aurait été le cas.
En outre, il est impossible de déterminer, basé sur des sources ouvertes, quelles sont les autres tâches que les Ukrainiens devront accomplir pour vaincre le premier échelon des défenses russes. Cependant, il sera certainement nécessaire d'attaquer avec de l'artillerie (HIMARS, PzH2000 sont les plus appropriés) les réserves russes déployées dans la profondeur des défenses et de détruire les restes de l'artillerie russe à longue portée située à 20-30 km derrière le périmètre. Cela implique l'existence d'au moins deux bataillons d'artillerie supplémentaires en plus des forces d'artillerie soutenant directement l'attaque. Sans oublier la défense aérienne, car les attaquants doivent être protégés de la force aérienne russe déployée sur toute la largeur (environ 4 km) et la profondeur (au moins 10 km) de la manœuvre offensive.
Conclusion
Bien entendu, tout ce que je viens de décrire n'est vrai que si les Ukrainiens ont réussi à désorganiser les systèmes de reconnaissance, d'artillerie et de commandement et de contrôle russes dans une mesure telle, ou s'il n'y a pas de champs de mines de plusieurs centaines de mètres de profondeur devant eux, que le déploiement de forces mécanisées plus grandes que le peloton n'entraînerait pas de pertes inutilement élevées.
Si ces conditions ne sont pas remplies, le seul moyen pour les Ukrainiens de progresser pendant que leur artillerie continue d'éroder les défenses russes, dans l'espoir d'atteindre un "point de basculement" qui pourrait conduire à une percée majeure, désormais à l'échelle opérationnelle, sera l'attaque lente et avec beaucoup de pertes grandes d'unités d'infanterie soutenues par l'artillerie et le feu direct des canons de tourelle.
Les Russes continueront à défendre obstinément toutes les zones, donnant à leur propre artillerie et à leur force aérienne (et bien sûr au tir direct des défenseurs du périmètre) l'occasion d'infliger aux Ukrainiens des pertes si lourdes qu'ils seront contraints d'arrêter l'attaque.
Pour des raisons évidentes, ce bref article ne peut être considéré comme une prédiction précise des événements futurs. Son objectif était plutôt de montrer les détails d'une bataille importante dans une zone très restreinte et de mettre en évidence les ressources et les efforts énormes que les Ukrainiens ont dû déployer pour remporter des succès relativement modestes. C'est pourquoi je pense que, dans cette guerre, nous ne pourrons revenir à une guerre de manœuvre à grande échelle que si l'une des parties parvient à obtenir une supériorité décisive dans une zone de taille opérationnelle.